Région De Mendoza-Argentine
Route des vins de Mendoza (10 et 11 Mai)
Après avoir traversé la frontière Chilienne par le paso de los Libertadores (3200m) et ses 31 épingles, nous voici arrivés à Mendoza. Les caves que nous allons visiter cette fois se trouvent dans la région de Lujan de Cuyo. Au programme de nos visites: NORTON, PULENTA ESTATE, CHANDON, et TERRAZAS DE LOS ANDES.
Au XIXème siècle, des cépages sont importés d’Europe pour développer le vignoble dans la région de Mendoza, choisie pour sa topographie et son climat. Au début des années 1980, l’Argentine produisait surtout des quantités importantes de vins rosés, sans grâce ni notoriété. Mais durant les vingt dernières années, viticulteurs et investisseurs mettent l’accent sur la qualité pour faire de Mendoza l’une des huit capitales mondiales du vin. Les blancs sont charmeurs et les rouges sont profonds, charnus, puissants, à la fois mûrs et équilibrés.
Etant reconnue comme la meilleure région viticole d'Argentine, la plupart des grands domaines y sont installés. Cette région rassemble donc au total 1221 domaines qui produisent 10 millions d'hectolitres par an. Pas étonnant que Mendoza soit réellement l'épicentre du secteur viticole Argentin.
Notre route des vins nous emmène à 50 kilomètres au sud de Mendoza, où s’étendent quatre grandes régions viticoles : Maipu, Lujan de Cuyo, Perdiel et Agrelo. Ces quatre régions se situent à des altitudes différentes allant de 800 à 1500m et possèdent ainsi des caractéristiques différentes : composition des sols, température, ensoleillement, etc. Les vins produits ici sont souvent des mélanges parfaitement dosés de raisins provenant de ces différentes régions. En mêlant les raisins d’un même cépage mais d’une provenance différente, les producteurs que nous avons rencontrés arrivent à obtenir des vins de caractères très distincts. C’est en jouant sur les mélanges d’origine, et sur l’assemblage des cépages, qu’ils tentent de s’approcher, avec un certain succès, d’un vin à l’équilibre parfait.
L’aridité constitue le trait dominant du climat. L’altitude est un autre atout, qui permet une forte amplitude de température entre un fort soleil la journée et des nuits fraiches. On y vendange donc du raisin sain, concentré, avec une peau épaisse ce qui donne plus de couleur, d’arôme et de tanin aux vins produits.
Le vin caractéristique de la région de Mendoza est le Malbec. Comme le Carménère au Chili, ce cépage à été importé en Argentine avant l’épidémie de phylloxéra qui l’a décimé en Europe. Lorsque nous disons « vin caractéristique », nous pesons nos mots puisque la présidente d’Argentine a crée un nouveau jour férié : le 17 Avril, « jour du Malbec » ! C’est la date supposée d’introduction du Malbec en Argentine.
Comme nous l’explique si bien l’œnologue de la bodega Norton, le Malbec est un vin masculin « Macho », mais un macho galant et doux qui ouvre la portière ou avance la chaise à ces dames…
Mais y-a-t-il d’autres différences entre le vin Argentin et le vin Chilien et les méthodes de production ?
Oui effectivement : ça n’a rien à voir !
La première différence que nous notons est qu’en Argentine, la plupart des exploitations appartiennent à des grands propriétaires qui partagent leurs vignes en plusieurs parcelles. Chacune de ces parcelles est exploitée par une famille (père et fils, voire quelques employés) qui dispose en contre partie d’une maison, d’un lopin de terre pour cultiver de quoi se nourrir et d’une rémunération liée à la quantité et à la qualité du raisin produit. Cette tradition donne un certain cachet aux vignobles de Mendoza dont chaque parcelle est séparée d’une de ces petites maisons.
La seconde différence ? Au premier coup d’œil, on ne peut que s’interroger sur ces immenses superficies de filets qui surplombent les vignes de la région de Mendoza. C’est tout simplement la meilleure protection contre les épisodes de grêle qui s’abattent sur la région à la fin de l’été.
Nous remarquons par ailleurs que toutes les vignes sont irriguées puisqu’ici il ne pleut pas plus de 150mm par an (à comparer à 850mm en région Bordelaise, ou 700mm dans la vallée d’Apalta au Chili). L’eau provient du rio Mendoza grâce à des canaux.
L’histoire de l’irrigation dans cette région date de plusieurs centaines d’années, et nous avons pu en observer les vestiges sur notre route. Il existait avant la venue des Incas, un système d’irrigation des champs de quinoas, de courgettes et de maïs. Les Incas ont à leur tour amélioré le système existant, puis les Espagnols, puis les Argentins (aidés par un ingénieur agronome Français spécialiste en viticulture, François Aimée POUGET – c’est aussi lui qui a introduit le Malbec en Argentine le 17 Avril 1868). Ils sont ainsi arrivés au système actuel dans les années 1850. En fonction de la nature de leurs sols, les exploitations utilisent soit le goutte à goutte, soit des sillons qui sont inondés plusieurs fois dans l’année (fréquence déterminée par les œnologues en fonction de la teneur en eau des sols).
Autre différence, plutôt surprenante pour nous Français : le climat étant très constant dans la région de Mendoza d’une année sur l’autre (et le système d’irrigation étant évidemment constant), le vin ne diffère pas énormément d’une année sur l’autre. Il n’y a donc pas de millésimes particuliers pour le vin de Mendoza, excepté pour les vins d’excellence pour lesquels on recherche vraiment la qualité jusqu’au moindre détail. Par exemple chez Norton, le vin « Gernot langes », composé d’une sélection des meilleurs raisins de chaque grande année, n’a plus été produit depuis 2005.
La production de vins en Argentine est autant « traditionnelle » que celle du Chili est « technologique ». Cela provient probablement de l’histoire des deux pays. A Mendoza, il n’est pas rare de voir des exploitations plus que centenaires, là où la plupart des exploitations Chiliennes sont nés après les années 80. Nous nous réjouissons ainsi de visiter des bâtiments ayant une histoire dans lesquels nous découvrons les cuves traditionnelles, fabriquées en ciment, qui servent à la fermentation, au stockage, ou au vieillissement du vin (depuis revêtues d’Epoxy).
Nous trouvons aussi ce qui manque peut-être le plus au prestige des exploitations Chiliennes : de véritables caves ! Où on laisse les bouteilles vieillir. On pourrait presque se croire dans un château à Aloxe Corton.
Les barriques de vieillissement en bois Français (95%) ou Californien (5%) sont pour leur part stockées dans des bâtiments anciens qui ne sont pas des caves. L’isolation d’époque est néanmoins suffisante pour conserver le vin à bonne température malgré la chaleur extérieure. On ne trouve donc pas ici les salles climatisées remplies de barriques que l’on voyait au Chili, mais le procédé d’humidification est quant à lui bien présent. Il permet d’éviter le dessèchement du bois et donc d’en préserver son étanchéité.
C’est lors de notre visite de Terrazas de los Andes que nous découvrons le Torrontes. C'est le cépage blanc emblématique de l’Argentine, tout comme le Malbec est le porte-étendard du vin rouge. Ce cépage donne un vin pale très aromatique, c’en est même surprenant. Il s'épanouit surtout en altitude (jusqu’à 1700m), tant que les automnes doux permettent une bonne maturité. Le vent frais, et un sol aride très exposé au soleil lui conviennent parfaitement. Il trouve un terrain particulièrement propice à son développement en la province de Salta, et plus particulièrement autour de Cafayate.
Nous sommes passés quelques semaines plus tard dans cette région où effectivement les vignes de Torrontes s’étendent à perte de vue. Ce cépage serait parent du cépage qu'on appelle au Chili Muscat d'Autriche et que l'on fait pousser à haut rendement pour produire du Pisco.
Cette boucle dans la région de Mendoza nous aura également fait découvrir chez Chandon la méthode de fabrication des vins effervescents, avec leur double fermentation et leur méthode spécifique d’extraction des levures. La première fermentation est la fermentation classique, qui est suivie d’un assemblage de cépages voir même de millésimes différents et permet ainsi d’obtenir un vin « calme ». La seconde fermentation se fait par ajout de sucre et de levure, ces dernières produisant du CO2 en transformant le sucre ajouté en alcool, ce qui est d’ailleurs formellement interdit dans la fabrication du vin. Lors de cette transformation apparaît un dépôt de levures mortes. Les bouteilles sont donc stockées la tête en bas, avec une inclinaison comprise entre 30 et 40°. Un remueur les tourne régulièrement afin d’accumuler le dépôt dans le goulot. Vient ensuite le dégorgement : on gèle le dépôt au niveau du goulot, on ouvre la bouteille et on expulse le glaçon emprisonnant les levures indésirables. Ceci est la méthode traditionnelle, également appelée « Méthode Champenoise », mais il en existe d’autres que nous aurons peut-être l’occasion de découvrir par la suite.
Ces deux jours terminent notre route des vins en Amérique du Sud. Nous reprendrons nos découvertes dans la Napa Valley aux Etats-Unis en Septembre.